Les pouvoirs et la responsabilité des gérants d’une société a responsabilité limitée de droit polonais
La gérance gère l’activité de la société et la représente vis-à-vis des tiers.
I. Pouvoirs des gérants
La gérance gère l’activité de la société et la représente vis-à-vis des tiers. Le gérant unique détient tous les pouvoirs et les responsabilités pour représenter la société. Si la gérance est composée de plusieurs personnes (notez que seule une personne physique peut devenir membre de la gérance), le mode de représentation de la société est déterminé dans les statuts ou à défaut dans le Code des sociétés commerciales (ci-après le CSC).
II. Responsabilité fondée sur les dispositions du Code des sociétés commerciales
- Responsabilité fondée sur l’article 299 du CSC
La responsabilité civile des gérants est posée aux articles 291 à 299 du CSC ainsi que dans les principes généraux du droit civil (Code civil).
En principe, les gérants n’encourent pas de responsabilité pour les obligations d’une SARL, sauf quelques exceptions et notamment la responsabilité subsidiaire posée à l’article 299 rédigé ainsi:
« Art. 299
- § 1. Lorsque l’exécution contre la société s’avérera inefficace, les gérants répondent solidairement de ses obligations.
- § 2. Un gérant peut s’exonérer de la responsabilité visée au § 1 s’il démontre qu’en temps voulu, il a déposé une demande de déclaration de faillite ou qu’une décision judiciaire portant sur l’ouverture de la procédure de restructuration ou sur l’homologation du concordat a été prononcée par le tribunal ou bien que le défaut de dépôt d’une demande de déclaration de faillite ne résulte pas de la faute du gérant, ou que malgré l’absence de dépôt d’une demande de déclaration de faillite ou de décision sur l’ouverture de la procédure de restructuration ou sur l’homologation du concordat, le créancier n’a subi aucun préjudice.
- § 3. Les dispositions des § 1 et § 2 ne font pas obstacle à l’application des dispositions prévoyant une responsabilité plus poussée des gérants.
- § 4. Les personnes visées au § 1 n’encourent pas de responsabilité pour le défaut de dépôt d’une demande de déclaration de faillite durant l’exécution forcée par voie d’administration forcée ou de saisie-vente du fonds de commerce conformément au dispositif du Code de procédure civile, pourvu que l’obligation du dépôt de la demande de déclaration de faillite soit apparue au cours de ladite exécution.
- Questions détaillées
a.) responsabilité subjective
Dans les conditions visées à l’art. 299 du CSC, encourt une responsabilité le gérant qui a omis de déposer une demande de déclaration de faillite ou d’engagement d’un règlement amiable (ci-après la Demande) ou si aucune des décisions judiciaires ci-après n’a pas été prononcée dans les délais:
- concernant l’ouverture de la procédure de restructuration, ou
- concernant l’homologation du concordat.
Il convient de préciser que, dans tous les cas de figure, le dépôt de la Demande dans les délais exonère les gérants de la responsabilité en question.
b.) enefficacité de l’exécution
La condition pour mettre en œuvre l’art. 299 du CSC est l’inefficacité du recouvrement à partir du patrimoine de la société. Cette circonstance doit être prouvée par le créancier. Il faut noter ici que l’exécution forcée n’a pas besoin d’être engagée ; il suffit que le créancier démontre qu’il résulte des circonstances de l’affaire que la société ne possède aucun patrimoine à partir duquel sa créance pourrait être satisfaite.
Il semble que la liste des éléments composant le patrimoine de la société, dressée sur requête du créancier ou bien le bilan et les registres commerciaux de la société (lorsqu’il résulte clairement de ces documents que le patrimoine de la société ne suffit pas à satisfaire les créances données), puissent notamment constituer une preuve de l’inefficacité de l’exécution.
Il n’est pas non plus nécessaire que l’exécution inefficace soit menée par le même créancier qui a l’intention d’engager une action contre le gérant.
Les gérants de la société répondent de l’ensemble des obligations de la société qui ne peuvent pas être recouvrées à partir du patrimoine social. Si une partie de ces obligations a été satisfaite par la société, les prétentions des créanciers seront partiellement limitées, à hauteur de la partie qui n’a pas été payée par la société.
En principe, l’inefficacité de l’exécution doit se rapporter à l’ensemble du patrimoine de la société.
La condition pour réclamer une indemnité aux gérants est l’obtention préalable d’un titre exécutoire contre la société (soit, p.ex. un jugement ayant force de chose jugée reconnaissant la demande ou l’extrait de la liste des créances approuvée dans le cadre d’une procédure de faillite).
La responsabilité des gérants basée sur l’art. 299 du CSC introduit une sorte de présomption de naissance d’un préjudice du côté du créancier ainsi qu’une présomption de faute du côté du gérant (par rapport à l’absence de dépôt de la Demande dans les délais) et de lien de causalité entre la négligence du gérant et l’apparition du préjudice. Ceci fait que, à moins que le créancier ne prouve que l’exécution à partir du patrimoine social est inefficace, le gérant devra établir que les conditions d’exonération de sa responsabilité sont réunies.
Il est important de noter que, dans le procès intenté contre le gérant par le créancier disposant d’un jugement ayant force de chose jugée contre la société, le gérant ne pourra pas remettre en question l’existence de la créance adjugée ni son montant.
c.) conditions d’exonération de responsabilité
- le dépôt de la Demande dans les délais
Selon les dispositions du Droit de la faillite et du redressement judiciaire (ci-après DFRJ), la Demande doit être déposée sous 30 jours. Le DFRJ prévoit que le débiteur ayant un retard de paiement excédant trois (3) mois est considéré comme insolvable. De plus, une personne morale ou une autre entité organisationnelle, y compris une SARL, devient également insolvable si ses obligations dépassent la valeur de son patrimoine durant une période excédant 24 mois.
Le gérant contre lequel est lancée l’action fondée sur l’art. 299 du CSC est exonéré de sa responsabilité lorsqu’il établit que la Demande a été déposée dans les délais, quelle que soit la personne ayant déposé une telle demande.
Il est important que la Demande déposée dans les temps soit déposée de manière efficace (c’est-à-dire qu’elle n’ait pas été écartée pour motifs d’ordres formels ou bien, par exemple, rejetée).
- la preuve que le défaut de dépôt de la Demande ne résulte pas de la faute du gérant
Dans l’hypothèse où la Demande n’a pas été déposée à temps, le gérant contre lequel l’action fondée sur l’art. 299 du CSC est dirigée, pourra encore s’exonérer de sa responsabilité s’il démontre que l’absence de dépôt de la Demande dans les temps n’était pas due à une faute de sa part.
- la preuve que, malgré l’absence de dépôt de la Demande dans les délais, le créancier n’a subi aucun préjudice
Le gérant sera aussi exonéré de sa responsabilité s’il prouve que, malgré l’absence de dépôt de la Demande dans les délais, le créancier n’a subi aucun préjudice. En pratique, cela signifie qu’il faut prouver que, même si la Demande avait été déposée à temps, le créancier n’aurait pas obtenu une plus grande satisfaction de sa créance que celle qu’il a réellement obtenue.
Ceci est assez difficile à prouver et nécessite le plus souvent l’intervention d’experts.
d.) prescription de l’action
La question de la prescription de l’action fondée sur l’art. 299 du CSC soulève des controverses dans la doctrine. Selon l’avis actuellement en vigueur de la Cour Suprême, cette action se prescrit par trois ans, sachant que le délai court à partir du moment où le créancier a eu connaissance du préjudice et de la personne tenue de le réparer, mais toutefois pas avant que l’inefficacité de l’exécution, menée sur la base d’un titre exécutoire ayant force de chose jugée contre la société, n’ait été constatée.
e.) compétence du tribunal
Le tribunal ayant la compétence exclusive pour examiner l’affaire fondée sur l’art. 299 du CSC est le tribunal territorialement compétent au regard du siège de la société.
- Responsabilités pour la production de fausses données (art. 291 du CSC)
Le gérant produisant de fausses données dans ses déclarations concernant les apports des associés dans le capital social, encourt une responsabilité civile vis-à-vis des créanciers de la société, solidairement avec cette dernière, durant trois années à compter de l’immatriculation de la société ou de l’enregistrement du changement du montant de son capital social.
- Responsabilité pour le préjudice causé à la société (art. 293 du CSC)
Le gérant encourt une responsabilité en dommage et intérêts à l’égard de la société pour le préjudice qu’elle a subi en raison de ses actes ou négligences violant le dispositif légal en vigueur ainsi que les dispositions des statuts. En effet, il s’agit d’une responsabilité fondée sur la faute du gérant.
- Responsabilité fondée sur les règles générales du Code civil
Le gérant encourt une responsabilité en dommages et intérêts à l’égard des associés et des tiers sur la base des règles générales du code civil.
III. Responsabilité fondée sur les dispositions du Droit de la faillite et du redressement judiciaire
Le DFRJ prévoit un fondement de responsabilité des gérants d’une SARL indépendant de celui figurant au Code des sociétés commerciales. Selon l’art. 21 al. 3 du DFRJ, les personnes ayant le droit de représenter un commerçant, donc entre autres les gérants d’une SARL, sont tenus responsables du préjudice causé suite à l’absence de dépôt de la Demande dans un délai de 30 jours à compter du jour où le fondement de la déclaration de faillite est apparu, soit à compter du jour où le débiteur est devenu insolvable (cf. nos remarques au point II.2.c. ci-dessus pour la notion d’insolvabilité).
Contrairement à la responsabilité basée sur l’art. 299 du CSC, dans l’action en application de l’art. 21 al. 3 du DFRJ, le créancier doit prouver que:
- le gérant n’a pas déposé la Demande dans les délais, suite à une faute de sa part ; il n’y a donc pas de présomption de non-dépôt de la Demande dans les délais par le gérant, résultant de sa faute comme c’est le cas pour la responsabilité fondée sur l’art. 299 du CSC, et
- suite à l’absence de dépôt de la Demande dans les délais, le patrimoine de la masse de la faillite a été diminué ou bien les charges de la masse de la faillite ont augmenté, ce qui a eu pour effet que, lors du partage des fonds de la masse de la faillite, le créancier n’a pas recouvré tout ou partie de la créance qu’il aurait recouvré si la demande avait été déposée à temps; il n’y a donc pas non plus de présomption de préjudice du côté du créancier ni de présomption de lien de causalité entre l’absence de dépôt de la Demande dans les délais et le préjudice subi par le créancier, comme c’est le cas pour la responsabilité fondée sur l’art. 299 du CSC.
Une indemnité en application de l’art. 21 al. 3 du DFRJ peut aussi être recherchée lorsque la procédure de faillite n’a pas été engagée. Ceci ne change pas que le créancier soit obligé de prouver qu’il n’a pas la possibilité de recouvrir tout ou partie de sa créance auprès de la société et que, si la Demande avait été déposée dans les délais, le créancier aurait obtenu satisfaction de tout ou partie de sa créance dans le cadre de la procédure de faillite.
En conséquence, dans l’hypothèse de la responsabilité du gérant fondée sur l’art. 21 al. 3 du DFRJ, la situation du créancier est, en matière de preuve, assurément plus difficile que dans le cas de la responsabilité en vertu de l’art. 299 du CSC.
De plus, le gérant pourra s’exonérer de la responsabilité s’il démontre que, dans le délai visé ci-dessus, une procédure de restructuration a été ouverte ou un concordat a été homologué par le tribunal. Le DFRJ prévoit une présomption selon laquelle le préjudice causé par le débiteur insolvable au créancier suite à l’absence du dépôt de la Demande comprend le montant de la créance non-satisfaite dudit créancier. Les gérants n’encourent pas de responsabilité pour le défaut de dépôt de la Demande durant l’exécution forcée par voie d’administration forcée ou de saisie-vente du fonds de commerce conformément au dispositif du Code de procédure civile, pourvu que l’obligation du dépôt de la Demande soit apparue au cours de ladite exécution.
IV. Responsabilité du gérant pour les arriérés fiscaux de la société
Le gérant peut également encourir une responsabilité au titre des arriérés fiscaux de la SARL. Cette question est régie par l’art. 116 de l’Ordonnance fiscale (Code des impôts):
« Art. 116
§ 1. Les gérants d’une société à responsabilité limitée, d’une société à responsabilité limitée en formation, d’une société anonyme ou d’une société anonyme en formation sont solidairement responsables sur l’ensemble de leur patrimoine des arriérés fiscaux de la société, lorsque l’exécution à partir du patrimoine de la société s’est révélée totalement ou partiellement inefficace et que le gérant:
1.) n’a pas prouvé que:
a.) la Demande a été déposée dans le délai prescrit ou que la procédure de restructuration, au sens de la loi du 15 mai 2015 sur la Restructuration, a été ouverte ou bien que le concordat au sens de la loi du 15 mai 2015 sur la Restructuration, a été homologué par le tribunal dans ce même délai, ou
b.) le défaut de dépôt de la Demande ne résulte pas de sa faute ;
2.) n’a pas désigné de bien de la société à partir duquel l’exécution aurait permis de régler une part significative des arriérés fiscaux de la société.
§ 1a. Il est considéré, que le défaut du dépôt de la Demande ne résulte pas de la faute des gérants, si l’obligation du dépôt de la Demande est apparue et a duré exclusivement lors de l’exécution forcée par voie d’administration forcée ou de saisie-vente du fonds de commerce conformément au dispositif du Code de procédure civile.
§ 2. La responsabilité des gérants, posée au § 1, couvre les arriérés fiscaux au titre des engagements nés pendant la période où ils exerçaient leurs fonctions de gérant.
§ 2a Les personnes exerçant la fonction de membres de la gérance au moment de la liquidation de la société sont responsables des arriérés fiscaux de la société nés après la liquidation de la société et des arriérés fiscaux au titre des obligations dont le délai de paiement a été dépassé après la liquidation de la société.
§ 3. Dans l’hypothèse où la société à responsabilité limitée en formation ou la société anonyme en formation ne dispose pas encore de gérance ou de directoire, c’est le mandataire qui répond des arriérés fiscaux ou bien les associés ou actionnaires lorsqu’un tel mandataire n’a pas été désigné. Les dispositions des § 1 et 2 s’appliquent respectivement.
§ 4. Les dispositions des § 1 à 3 s’appliquent aussi à l’ancien gérant ou à l’ancien mandataire ou associé/actionnaire de la société en formation.
V. Responsabilité du gérant pour les obligations de la société au titre des cotisations sociales des travailleurs
Le gérant encourt une responsabilité pour les arriérés de la société en matière de cotisations sociales de ses employés (assurance retraire, pension, maladie, accident, santé, Fonds du Travail et Fonds de Garantie des Prestations Salariales) selon les mêmes principes que pour sa responsabilité au titre des arriérés fiscaux de la société. Les dispositions de la loi sur le régime de sécurité sociale imposent l’application respective de l’article 116 de l’Ordonnance fiscale aux dettes de la société au titre desdites cotisations (cf. point V ci-dessus).
VI. Responsabilité pénale
La réglementation en matière de responsabilité pénale est contenue, plus particulièrement, dans le dispositif légal suivant:
- le code pénal (CP),
- le code des sociétés commerciales (CSC),
- le code pénal et fiscal (CPF),
- la loi relative au Droit de la faillite et du redressement judiciaire (DFRJ),
- la loi sur la Restructuration,
- la loi sur la comptabilité (LC).
Ce dispositif légal sanctionne entre autre les délits pénaux commis par un membre de la gérance, dont les plus caractéristiques sont les suivants:
- abus de confiance, détournement des fonds sociaux, fraude (art. 296 du CP),
- corruption de gérants (art. 296a du CP),
- obstruction lors de la satisfaction des créances (art. 300 du CP),
- faillite imposture (art. 301 du CP),
- documentation infidèle (art. 303 du CP),
- défaut de dépôt de la demande de déclaration de la faillite (art. 586 du CSC),
- production de fausses données (art. 587 du CSC),
- émission illégale de titres (art. 589 du CSC),
- rapports déficients, notamment les états financiers, ou défaut de tels rapports (art. 77 de la LC),
- évasion fiscale (art. 54 du CPF),
- fausses données fiscales (art. 56 du CPF),
- défaut de tenue du livre comptable (art. 60 du CPF),
- livres comptables infidèles ou erronés (art. 61 du CPF),
- défaut d’émission de factures (art. 62 du CPF).